Charlot soldat (1918)

Shoulder Arms (ou Charlot soldat, en français), est sorti en 1918, c’est un film écrit, réalisé et produit par Charles Spencer Chaplin, auteur, réalisateur, producteur, scénariste, écrivain, et compositeur britannique dont la carrière s’est étalée de 1914 à 1967 à Hollywood et en Europe. Au cours de ses premières années de cinéma, il s’imposa comme un symbole cinématographique international sous les traits du fameux personnage de Charlot, créé au départ à des fins commerciales. Shoulder Arms traite d’un sujet d’actualité à savoir la Première Guerre mondiale qui s’achève bientôt. En plus d’être le premier conflit à avoir été filmé très précocement (surtout à des fins de propagande), la guerre de 14-18 a aussi très tôt donné naissance à des fictions, occasion que Charlie Chaplin ne pouvait pas rater, même si, à titre personnel, il n’a pas combattu dans les tranchées. Certains y ont vu une façon pour Chaplin de participer à sa façon à l’effort de guerre ; d’autres au contraire y ont vu une façon pour le réalisateur de se « racheter », et ont posé la question de savoir s’il n’était pas présomptueux de la part de Chaplin de parler d’une guerre à laquelle il n’avait pas assisté.

Au-delà de la polémique, on peut rappeler que le film permet au spectateur de suivre le parcours d’un poilu incarné par Chaplin lui-même. Charlot se bat dans les tranchées boueuses de la 1ère guerre mondiale, après avoir suivi une brève formation. Sur le terrain, il est choisi pour effectuer une mission spéciale derrière les lignes ennemies, qui lui apportera gloire et reconnaissance…

Ce film fait, de mon point de vue, écho à La prisonnière du désert (voir critique précédente), car il démystifie l’image du soldat viril, courageux dévoué et obéissant qu’incarne Ethan Edwards, revenant quant à lui de la guerre de Sécession, dans le film de John Ford et qui finit par s’humaniser à la fin du film. Charlot est plutôt froussard et parfois un peu lâche surtout dans cette scène où il est choisi pour accomplir une mission quasi-impossible et où il prend peur et chercher à expliquer qu’il vaudrait mieux prendre quelqu’un d’autre quand il apprend que c’est au péril de sa vie. Grâce à une comédie burlesque (ou « slasptick comedy », genre très en vogue à Hollywood à l’époque du muet), Chaplin assassine la masculinité toxique tout en mettant en scène la réalité effrayante de la guerre des tranchées comme le montre la scène où chaque soldat reçoit un colis de nourriture envoyé par les civils et où Charlot reçoit un colis de nourriture pour qu’il se résout tout de même à manger tant la faim le tenaille. Le camembert très odorant qui complète ce colis sert même d’arme de destruction massive contre les Allemands… De quoi faire rire les plus jeunes, mais interpelle les adultes. De la même manière, le film montre l’insalubrité des cagnas inondés par la pluie à tel point que les lits de fortune de Charlot et de ses compagnons d’armes sont inondés, mais les poilus imperturbables continuent leur nuit sans broncher. Une façon d’interpeler également le spectateur sur l’état de fatigue des soldats et de leur faculté d’adaptation comme si c’était parfaitement normal de se réveiller avec une inoffensive grenouille nageant à côté de votre tête !

Ce film est, selon moi, un trésor patrimonial grâce à la simplicité complexe avec laquelle Charlie Chaplin parvient à faire rire les gens avec des choses graves, avec un des plus grands drames que l’humanité ait connus, laissant ainsi une trace de cette période abominable dans l’histoire de cinéma. Je terminerai cette chronique par une citation de Victor Hugo que je trouve particulièrement frappante de justesse bien qu’elle fût écrite près d’un siècle avant la Première Guerre mondiale et qui démontre que les êtres humains, malgré tout ce que nous pourrons faire ou dire, reviennent toujours là où ils ont commencé : la guerre. « Entre la logique de la révolution et sa philosophie, il y a cette différence que sa logique peut conclure à la guerre, tandis que sa philosophie ne peut aboutir qu’à la paix ».

Votre chroniqueuse dévouée, Sophie Pringarbe, Seconde Suez, 2021

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