Barton Fink de Joel et Ethan Coen

Informations générales

4ème long-métrage de Joel et Ethan Coen.

Palme d’or, prix de la mise en scène et prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes.

Trois nominations aux Oscars (décors, costumes, meilleur acteur dans un second rôle).

Barton Fink, un écrivain embauché à Hollywood, prisonnier du dédale de son esprit

Compte-rendu de projection

► Un film qui brasse plusieurs genres et registres : on passe de la comédie sociale (teinté d’ironie absurde et d’humour noir et décalé) au film noir baigné de fantastique. Tout Barton Fink est une parodie qui cite de nombreux cinéastes et films (les premiers films de Roman Polanski comme Cul-de-sac, Répulsion ou Le Locataire ; ou encore Shining de Stanley Kubrick). Les frères Coen sont des maniéristes. Au cinéma, le maniérisme consiste à citer explicitement ou implicitement un ou plusieurs cinéastes dont on reprend les thématiques et/ou les motifs visuels afin de se les réapproprier.

Barton Fink s’inscrit aussi dans une longue tradition, très hollywoodienne, de films qui parlent de Hollywood : un des 1ers fut What Price Hollywood de George Cukor (1932). Plus récemment, Quentin Tarantino a réalisé Once upon a time in Hollywood (2019). On peut retenir aussi Sunset Boulevard de Billy Wilder (1950), Les ensorcelés (The Bad and the Beautiful) de Vincente Minelli (1952), Le dernier nabab d’Eila Kazan (1976), The Player de Robert Altman (1992), Mulholland Drive de David Lynch (2001), Aviator de Martin Scorsese (2004), Maps to the stars de David Cronenberg (2014). Des films qui montrent l’envers du décor, autant de critiques acides du petit monde du cinéma, des regards souvent sombres sur cette « usine à rêves » qu’est Hollywood.

► Film introspectif qui est un questionnement sur la création littéraire, sur le statut de l’écrivain engagé embauché comme scénariste à Hollywood. Il est décrit comme une oie blanche, un idéaliste « pur » qui découvrirait la Nouvelle Babylone. L’écrivain victime de Hollywood fait partie de la légende du cinéma. Le principal personnage du film est lui-même un cliché : celui de l’intello binoclard qui se prend (peut-être un peu ?) au sérieux, du dramaturge new-yorkais de gauche qui écrit des pièces ou des romans réalistes. Les frères Coen ont pris pour modèle le dramaturge Clifford Odets (1906-1963), scénariste de The Big Knife, autre film sur Hollywood réalisé par Robert Aldrich (1955). Mais d’autres écrivains sont cités comme William Faulkner (personnage de Mayhew, l’écrivain alcoolique) ou encore Francis Scott Fitzgerald (auteur du Dernier Nabab). Barton Fink est un écrivain confronté à la vacuité et la bêtise des producteurs de Hollywood (la commande est absurde : faire écrire un film de catch par un écrivain social), à la panne d’inspiration et au sentiment de culpabilité (impression d’avoir pactisé avec le diable, personnage joué par John Goodman, le film faisant ainsi référence au mythe de Faust).

►Le film peut alors être appréhendé comme une plongée dans la psyché d’un écrivain. Du coup, tout ce que voit le spectateur est le produit de l’imagination délirante de l’écrivain. Et l’hôtel Earle où réside Barton Fink (qui renvoie à l’hôtel Overlook de Shining) est une métaphore du dédale mental dans lequel se perd l’écrivain, où le temps et l’espace se distordent, le papier peint se décolle, une femme est assassinée, où l’hôtel prend feu… Pas de doute : Barton Fink est en enfer. Des images apaisantes d’une plage ensoleillée semblent constituent un contrechamp édénique à l’infernal hôtel. Elles ouvrent et ferment la narration du film : elles constituent la seule ouverture sur le monde extérieur et contribuent pourtant à renforcer le sentiment d’isolement éprouvé par le personnage. Pour Ethan Coen, elles sont un signe de ponctuation qui, au lieu de donner une bouffée d’air frais, contribuent à créer encore plus d’oppression dans la pièce et renforce la sensation d’angoisse éprouvée par le spectateur.

Travail collaboratif de Alice, Laurène, Tess, Adrien, Nathan, Pier-Lou et Simon le 8 novembre 2021.

Secrétariat : Monsieur Popu.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

58 − 57 =