Fantastic Mr Fox (2009)

Fantastic Mr Fox est un film d’animation de Wes Anderson, une adaptation du livre de Roald Dahl. Les voix des principaux personnages sont celles de George Clooney et Meryl Streep pour la VO ; celles de Mathieu Amalric et Isabelle Huppert pour la VF.

La technique.

La technique du « stop motion » ici utilisée consiste en une animation image par image, comme cela se faisait sur papier pour les premiers dessins animés. L’illusion du mouvement se fait en déplaçant des objets immobiles. Une caméra spéciale pour l’animation ou un appareil photo, filme une scène, image par image, sur un support numérique. Ainsi, une première prise de vue donne le personnage ou l’objet dans une certaine position. Ensuite, à chaque nouvelle prise, on déplace ou on change la position des personnages et/ou des objets. Dans Fantastic Mr Fox, ce sont des marionnettes articulées qu’il faut mettre en position à chaque fois. Les décors, quant à eux, sont à l’échelle et il faut pouvoir facilement manipuler les personnages qui y évoluent. Les éclairages se font comme pour un film en studio.

L’histoire.

Le film est une fable. Mr Fox et sa femme Felicia sont des renards, voleurs de poules. Au cours d’un « coup » qui tourne mal, Félicia fait jurer à son mari de changer de métier s’ils s’en sortent vivants. Ce qu’il fait (peut-être un peu à contrecœur). Ils ont un fils, Ash, un ado qui se sent déprécié par son père. Les choses empirent quand arrive Kristofferson Silverfox, son cousin, intelligent et « beau gosse » qui réussit tout, chimie, sport et même yoga. Entretemps, la famille a déménagé sous un arbre sur une colline qui domine une vallée. S’y trouvent les grosses propriétés de fermiers industriels, les « 3 B » : Boggis, Bunce et Bean. Fox ne résiste pas : il reprend en secret son « métier » de voleur…

Le réalisateur américain, Wes Anderson (dernier film en date : The French Dispatch, 2021)

L’analyse.

Le film de Wes Anderson est découpé en tableaux avec un intertitre à chaque fois. Il repose sur plusieurs registres et genres, propres au cinéma américain pour certains d’entre eux. D’abord comique, le film vire au « survival » quand les animaux sont enfermés sous terre et pourchassés par les humains. C’est aussi un film de guerre et parfois un western (au moment de la fusillade finale).

Le côté « fun » du film est le support à une réflexion sur des sujets plutôt graves : les relations familiales (père/fils ; mari/femme), la difficulté d’être ado (Ash aime Agnès qui, de son côté, aime K, etc…), mais surtout les rapports entre animaux et humains. En effet, l’anthropomorphisme de Fantastic Mr Fox est moins simpliste que dans les dessins animés où les animaux, depuis Mickey jusqu’à Garfield, qui parlent est devenu habituel. Ici, le rapport se situe entre le sauvage et le civilisé, entre ce qui appartient à la nature et les hommes qui considèrent que la nature leur appartient. L’élevage industriel pratiqué par les « 3 B » montre la maltraitance animale tandis que c’est la condition de prédateur qui pousse le renard à dévorer les poules : « je suis un animal sauvage », dit-il lui-même pour se justifier. Ainsi, il a conscience d’être une bête alors que les hommes ne s’étonnent pas du fait de recevoir un courrier fait de lettres découpées dans des journaux et signé par… un renard ! Mais eux, ne sont-ils pas encore des prédateurs éduqués ? Et puis, la nature profonde des animaux est exposée au moment des repas : ils dévorent ! La question que pose Anderson serait la suivante : où est la brutalité ? Dans la stratégie élaborée par des animaux pour cambrioler un élevage ? Ou bien dans la l’utilisation de la dynamite pour exterminer des animaux réfugiés dans un terrier ? Par ailleurs, l’animal utilise des éléments proprement humains en se parant des noms latins que les naturalistes leur ont donnés. Hein, Vulpes vulpes ? Et sans se prendre au sérieux puisque « l’opossum n’existait pas chez les Romains »…

C’est aussi les modes de production, de surconsommation, la surexploitation que dénonce le film. Je ne pense pas qu’il soit antispéciste d’un point de vue militant car les barrières des espèces est largement franchie et l’homme n’est en rien supérieur à l’animal comme on l’a vu. Au contraire, des traits humains particulièrement révélés pendant les conflits sont soulignés. L’aveuglement de la guerre totale, les victimes collatérales du conflit (sans-abris, otages, etc…) Et faire payer à la population (les autres animaux) les actes des résistants (les renards) révèle la barbarie de l’être humain. Il s’ensuit une solidarité et une lutte commune des animaux contre les hommes. Cela fait penser à La Ferme des Animaux de George Orwell qui a été aussi adapté en dessin animé. Enfin, la trahison est également dénoncée à travers à la figure du rat qui choisit le camp de l’ennemi. L’union permettra de rapprocher la famille Fox et les deux cousins, après s’être sauvés, enterreront la hache de guerre.

Mais le film est aussi une réflexion sur le rôle des médias, dont le penchant voyeuriste, est pointé du doigt puisque, s’ils informent, vendent aussi les tragédies humaines et animales sous forme de feuilleton dans les JT. Ces horreurs sont dédramatisées par la mise en scène du creusement des galeries comme dans un jeu vidéo, ou les terriers représentés en coupe, comme dans derrière la vitre d’un vivarium. On ne sort décidément jamais de l’ambiguïté du point de vue pour le spectateur. En revanche, une forme d’inégalité de fait est soulignée par la mise en miroir des calendriers humain et renard. Pour ces derniers, le temps passe plus vite. Ils vivent moins longtemps.

D’un point de vue comique, on peut repérer quelques clins d’œil ou références comme cette réplique « un rat crevé de plus dans les égouts » sortie de la bouche de Clint Eastwood dans Le bon, la brute et le truand. Ou encore les squelettes qui apparaissent façon rayon X lors du franchissement des grillages électrifiés : c’est du Tex Avery ! Moins évident, peut-être, la destruction du site du hêtre fait penser aux ravages de Oak Island où un trésor serait caché et que les pelleteuses ont transformé en trou béant.

Enfin, tout est dit dans le dernier tableau quand les animaux en fuite émergent dans un supermarché, symbole ultime, temple de la surconsommation, de la malbouffe, univers brut et juste fonctionnel fait de marges bénéficiaires, de gaspillage et de prévalence de la production industrielle. Le résumé du film, en fait… Dans notre monde (celui des humains), la diminution de leurs espaces vitaux pousse déjà les renards, les ratons-laveurs, et même quelquefois des ours, à venir faire les poubelles de nos bourgades civilisées. Et puis, un détail : sur les plans fixes des animaux, on croirait des vrais animaux empaillés. Heureusement, Madame Fox attend un autre petit, la perpétuation de l’espèce… Bonne chance à « canis lupus »… !

Simon Fournier-Ouahab, 1ère Néfertiti

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