Nouveau western

Killers of the flower moon est un film de Martin Scorsese, sorti en salles le 18 octobre 2023. Il avait été présenté en avant-première au Festival de Cannes en mai de cette année. C’est une adaptation du récit éponyme de David Grann, un des plus brillants représentants de ce genre littéraire très américain, la « narrative non-fiction » initiée dès la fin du XIXe siècle avec le travail de la journaliste Nellie Bly. Pour être tout à fait honnête, le film a attiré mon attention parce qu’il est réalisé par Martin Scorsese et parce que le casting est assez excitant. Deux grands acteurs, Robert De Niro et Leonardo Di Caprio, qui ont déjà travaillé avec Scorsese mais séparément ou alors ensemble mais pas derrière la caméra du maître (1993, Blessures secrètes de Michael Caton-Jones). On retrouve aussi Brendan Fraser (oscarisé récemment pour The Whale) ainsi que Jesse Plemons, tous deux acteurs américains de renom.

Le film raconte une histoire méconnue du grand public, et pourtant bien réelle : dans les années 20, dans le comté Osage (Oklahoma), plusieurs amérindiens de la tribu des Osages sont assassinés. Les terres de leurs réserves révèlent des champs pétrolifères qui font la richesse des Osages. Le FBI est appelé pour mener l’enquête. Ernest, le personnage joué par Di Caprio, est l’un des personnages principaux, si ce n’est le protagoniste. Plutôt naïf avec un fond honnête (c’est ainsi qu’il apparaît au début du film), de retour d’Europe où il a combattu pendant la Grande Guerre, il est accueilli par son oncle William « King » Hale. Tout de suite, King explique la situation au jeune homme qui cherche à faire sa place dans la société et l’on comprend tout aussi vite que le surnom de l’oncle est assez bien choisi tant il a l’air de diriger le village et d’être le centre de toutes les relations tel un patriarche, ou même mieux, un chef de gang mafieux, genre de portrait dans lequel, on le sait, Martin Scorsese excelle.

Le début du film pose tout de suite le contexte et l’ambiance dans laquelle le spectateur va être plongé durant les trois prochaines heures. En effet, le film peut impressionner par sa durée, cependant le scénario, les musiques ainsi que les émotions transmises permettent de rester concentré et éveillé. Pendant ces trois heures, le film dénonce le sort réservé aux « Natives », manipulés, trompés et assassinés pour leur richesse par des WASP sans scrupule. Le fait que l’histoire mise en lumière ici soit véridique permet d’avoir un impact plus important sur le spectateur. Scorsese comprend bien cela et joue beaucoup sur les émotions tout en choisissant, pour ce western tardif, une mise en scène relativement « sage » (par opposition à la frénésie déployée dans Le loup de Wall Street par exemple) inspirée par un néo-classicisme qui n’est pas sans évoquer le style de l’un de ses illustres collègues : Clint Eastwood.

Killers of the flower moon est une œuvre immersive qui embarque le spectateur par la rage de connaître la vérité derrière les crimes dont sont victimes les Osages (tout en étant aussi impuissant qu’eux) et par une certaine empathie pour Ernest, dont l’ambiguïté du portrait esquissé par le film est une prouesse d’écriture et de jeu. Voilà un homme dont on pense qu’il a construit sa vie sur l’amour de sa femme (osage donc) et de sa famille alors que dans le même temps il accepte de se mettre au service des noirs desseins de son oncle. Jusqu’à la fin du film le voilà ballotté entre le bien et le mal. Ainsi, lors du procès de son oncle, même si nous sommes au courant depuis le début de qui a échafaudé cette terrible machination, Ernest est encore influencé par sa famille, et l’avocat de son oncle afin qu’il ne témoigne pas contre lui. Seulement, quel ne fut pas notre soulagement quand Ernest décida de faire le contraire et d’avouer la culpabilité de son oncle. Killers of the flower moon ou le destin d’un héros tragique dans un western atypique dont le choix des plans, le rythme, la musique et l’esthétique permettent de captiver le spectateur de bout en bout. Un film à mille lieux des blockbusters de science-fiction et autres films de super-héros qu’Hollywood a l’habitude de proposer depuis plus de vingt ans. Vous comprenez bien que c’est un film à ne pas manquer… Un dernier argument ? Cela fera un beau cadeau à Martin Scorsese pour ses 81 ans !  

Mathias Compiègne, TNEITH

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