Midsommar, un récit qui ne laisse pas indifférent

Sortie en 2019, Midsommar est une œuvre qui a divisé les spectateurs : des cinéphiles ont adoré, alors que d’autres sont partis avant même la fin du film. Pour son deuxième long-métrage, le réalisateur, Ari Aster, utilise les codes du cinéma d’horreur en abordant des thèmes profonds pour nous faire réfléchir et nous bouleverser à la fin de la projection de ce film aussi écœurant que fascinant.

L’histoire : Lorsqu’elle fut touchée par une tragédie familiale, Dani, une jeune femme de 25 ans, a vu sa vie s’écrouler. De plus, la relation avec son compagnon, Christian, n’est plus aussi bonne qu’avant. Pour lui remonter le moral, Christian et ses trois amis Josh, Pelle et Mark vont proposer à Dani de partir pour la Suède, dans le but d’assister à  un festival qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans durant l’été, le festival « Midsommar ». Plongés dans ce village perdu, les cinq amis feront les plus sinistres et inquiétantes découvertes… Midsommar est le genre de film qu’il faut regarder plusieurs fois pour en appréhender tous les détails qui peuvent nous échapper lors de la découverte du film, car le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est riche ! Riche en images, en sons, en originalité, ce long-métrage est intéressant pour de multiples raisons. Ici, j’en aborderai trois aspects, ceux qui me semblent les plus pertinents.

Tout d’abord, parlons un peu du personnage de Dani. Incarnée par Florence Pugh, Dani est un personnage qui subit pendant presque tout le film, c’est donc une protagoniste passive. Même si un protagoniste ne peut pas être passif, car sinon il ne serait pas intéressant, on emploie ce terme pour dire que le personnage subit tout ce qui lui arrive. Cependant, cela ne l’empêche pas d’avoir des réactions ; face aux suicides des anciens par exemple, ou tout simplement lorsque ses parents meurent, Florence Pugh fait preuve d’un jeu époustouflant et très réaliste. Durant le film, elle fait des tentatives d’action qui ne réussissent pas : sauver sa soeur du suicide, convaincre son compagnon de partir de la secte, dire non à la drogue… Une seule décision sera importante au final : lorsqu’elle choisit de sacrifier Christian plutôt qu’un inconnu. Dani connaît une vraie évolution : au début elle ne peut pas parler de la mort de ses parents et de sa sœur, la simple évocation du mot famille lui fait avoir de terribles crises d’angoisses et selon elle il n’y a que Christian qui peut l’aider, elle a le désir d’être entourée.

À la fin du film, Dani accepte la mort de ses amis et de ses parents, elle n’a plus autant peur de la mort ; elle a été acceptée par la communauté car c’était la seule à venir pour Christian, et non pas pour satisfaire ses besoins personnels. C’est aussi pour ça qu’elle n’est pas morte : Josh, Mark et Christian sont morts parce qu’ils étaient égoïstes. Mais Dani n’est toujours pas heureuse : certes, elle a fait le deuil, mais elle n’a plus de repères familiaux, elle utilise donc probablement la secte comme une illusion d’une famille alors que ce n’en est pas une. En somme, le personnage de Dani est fascinant à la fois par sa complexité émotionnelle et son besoin d’être écoutée.

Ensuite, Ari Aster a utilisé à de nombreuses reprises des contrastes. Josh est présenté comme quelqu’un de studieux, il vient d’ailleurs à ce voyage dans le but d’étayer sa thèse. L’homme est donc plein de connaissances et ne voit que par ça ; tandis que la communauté suédoise se base sur le ressenti que chacun peut avoir ou observer chez quelqu’un. Ensuite, Mark, qui représente clairement la bêtise irrespectueuse de l’humain, il ne pense qu’aux filles et n’a pas ou peu de respect pour les autres. La secte quant à elle repose sur l’intelligence émotionnelle, l’interprétation des sentiments de l’autre, une grosse différence par rapport à Mark. D’ailleurs, Mark sera déguisé en bouffon lorsqu’il sera sacrifié, ce qui consolide l’idée de stupidité qu’il possède. Enfin, Christian n’échappe pas à cette comparaison. Tout le long du film, on remarque qu’il agit en fonction des circonstances pour rester à son avantage, ce qui fait de lui un opportuniste. Il fait tout dans son intérêt, quitte à placer ses amis en mauvaise position pour paraître meilleure ; c’est ce qu’il a fait quand Josh avait fraudé pour avoir plus d’informations sur le Midsommar. Tout cela est bien contraire à l’une des valeurs de la secte, le don de soi. Les plus âgés se suicident pour donner place à la jeunesse, beaucoup de sacrifices sont réalisés… Les membres n’hésitent pas à se livrer pour le bien de la communauté. Mais ce n’est pas tout, Ari Aster a utilisé le contraste de manière un peu plus générale, et cela marche bien. Juste le fait que l’intrigue se passe dans une secte où le soleil est éternel, les personnages sont immaculés et habillés en blanc, tout est lumineux ça en devient presque aveuglant. Il contraste cela avec les films d’horreur habituels, où les actions se passent principalement dans l’obscurité. La mort est mise en opposition avec la somptuosité des lieux, et c’est rare pour un film d’horreur.

Enfin, parlons de l’essence d’un film d’horreur, autrement dit les éléments qui rendent le film angoissant. Premièrement, les sons utilisés dans Midsommar sont tellement bien travaillés qu’ils restent en tête. Chaque son nous fait rentrer en immersion et nous fait frissonner par sa précision. L’un des éléments les plus importants qui est dans la même famille que les sons : la musique. Réalisée par Bobby Krlic, elle accompagne le jeu des acteurs et répand très clairement l’ambiance générale anxiogène du métrage. Le rythme du film lent est également un choix astucieux d’Ari Aster. Les plans sont longs, mais restent tout de même intenses pour garder l’attention du spectateur. Par cette lenteur, l’ambiance devient pesante ; lorsque les membres se sacrifient, la caméra reste tout le long de la chute sur eux, quand Christian découvre Simon dans la grange aussi, on a plusieurs longs plans consécutifs de sa découverte. Tout cela nous pousse au malaise et à la réflexion. Par ailleurs, la réalité des faits peut angoisser le spectateur. Certes, la secte spécifique du film n’existe pas, mais les sectes existent, les abus de drogue, les sacrifices ainsi que les rituels ne sont pas imaginaires. Et pour finir, la communauté en elle-même est oppressante. Le réalisateur exagère l’union de groupe et l’empathie qu’ils ont les uns envers les autres. Lorsqu’un des membres hurle de douleur, les autres se précipitent et hurlent avec, c’est ce qui se passe dans le dortoir avec Dani et les filles de la communauté ; tout comme lorsqu’un membre pleure, les autres se joignent pour pleurer. Bref, cette exagération effraie et tout comme les longs plans, cela pousse au malaise.

Pour conclure, Midsommar est un film qui sort du commun, qui possède une mise en scène brillante, des acteurs et un réalisateur talentueux, qui, comme Jordan Peele (réalisateur de Get out), a réussi à renouveler les codes du film d’horreur. Par sa réalisation expérimentale, Ari Aster explore la psychologie humaine tout en restant original. Et c’est ça toute la beauté du film ; on réagit car on se sent concerné par l’histoire, il ne s’agit pas de paranormal ou de vampires, mais simplement d’hommes et de femmes, dans ce qui semble être le pire que l’humanité puisse révéler.

Loïs Sagot, 2nde Thèbes

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