Le 10 mars, les Terminale CAV se rendaient au cinéma pour assister à la projection du dernier au programme du Prix Jean Renoir des Lycéens. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le film de Guan Hu a su rallier tous les suffrages...

Présenté à Cannes dans la section « Un certain regard » en 2024, ce film chinois raconte l’histoire de Lang, pilote de moto/cascadeur sorti de prison, et de retour à Chixia, sa ville natale à l’orée du désert de Gobi, pour trouver du travail. Il y fera la rencontre d’un chien noir, accusé d’avoir la rage, avec lequel il liera une silencieuse amitié, parsemée de péripéties tragi-comiques…
Black Dog est un film, sensiblement proche de l’homme, et du meilleur ami de l’homme. Son réalisateur Guan Hu nous présente une Chine post-industrielle, encline à un avenir meilleur, mais qui pour se faire, est sur le point de faire table rase de son passé : les autorités essaient d’apporter un souffle à cette ville à l’aube de l’ouverture des JO de 2008, et pour y arriver, il faut commencer par s’occuper des chiens errants, et se débarrasser des canidés abandonnés. On suit ainsi le personnage de Lang, un homme renfermé, qui parle peu. Il arpente les rues sédimentées de sa ville, accompagnée de sa moto et de son ombre, et fait la paire avec un chien errant noir.
À première vue, le film s’apparente ainsi énormément au western (pour ne pas changer des traditions du cinéma contemporain). De grands panoramiques se font tantôt sur le désert, tantôt sur la désolation d’acier et de briques qu’est la petite ville poussiéreuse de Lang. Un montage suivant les actions au cut près, laissant des moments en lévitation lorsque c’est nécessaire, et un personnage proche du mythe, mais anti-héros, qui s’exprime au travers de la bouche des autres… Tout porte à croire que le film nous est familier, pour autant Guan Ho semble démentir toutes inspirations tirées des classiques du western, alors, il ne s’agit peut-être que d’une impression de déjà-vu.
La photographie est également une très grande réussite, et de plus une certaine expérience visuelle, qui aura nécessité un traitement d’image assez spécial : celui du format numérique dans un premier temps, et recapturé à la pellicule 35 mn puis reconverti en numérique, tout cela permettant un aspect granuleux assez viscéral qui, rien que pour ça, vaut le détour. On peut également, comme dit précédemment, considérer le travail des décors, parfaitement retranscrit par le biais d’un cadrage sublime, et un sound design à la hauteur de chaque gravier qui parsème le sol.
Parlons maintenant du scénario qui se voulait, au départ, assez compliqué, mais de nombreuses scènes, de l’aveu même du monteur Matthieu Laclau (dans une interview accordée à Télérama en mars 2025) ont été amputées du film, et ce pour le bien de l’attention du spectateur qui aurait pu, sans quoi, vite décliner : le film se concentre ici sur le retour de Lang et abandonne toute explication sur le passé de ce dernier. On suit ainsi l’évolution de Lang et du chien noir, qui se font écho, et renvoie à l’histoire de la ville elle-même, et à la place occupée par la Chine post-industrielle. Dans une société où l’élan capitaliste dirige la tertiarisation de l’économie chinoise, deux marginaux essaient de se faire une place dans un système dans lequel ils ne se reconnaissent plus… Un scénario plutôt efficace, qui parvient, ici, à s’enrichir de plein d’autres histoires annexes : le zoo fermant ses portes, la survie du boucher spécialisé dans la viande de serpent, la course aux chiens errants, le cirque et ses rêves brisés… Un mélange qui s’arrange parfaitement grâce à la connexion qui s’opère entre la ville et ses histoires.
On pourra enfin féliciter le réalisateur pour sa prouesse de n’avoir engagé que des chiens non dressés pour le film (les cabots auraient au moins pu préparer un CV, mais non, rien du tout !) et deuxièmement, pour le parti pris mené, de proposer une sorte de critique de la nouvelle Chine, qui aurait pu risquer la censure. La conclusion, sans s’y méprendre, illustre bien un manque de reconnaissance dans un système voulant faire table rase du petit peuple d’autrefois, attaché à ses traditions : en bref, la Chine ne fait pas d’orphelins que chez les chiens.
Black Dog est un film convaincant, qui propose quelque chose d’assez inédit dans le cinéma chinois, et même dans le cinéma indépendant tout court, et c’est assez dépaysant de voir de telles contrées être capturées à l’image comme le film parvient à le faire. Guan Hu signe ainsi un film singulier avec lequel il invite le spectateur à être sensible à toute ces « petites » vies qui se mènent en parallèle du « grand » système chinois, et pour lequel il ne se lassera jamais d’être fidèle, comme un bon compagnon à poil court.
Titouan, Terminale Horus.
